…En esta ocasión, me atreví con el impresionante poema de Sagarra «Invocació a Frederic Mistral«. Creo no haberle traicionado demasiado en alguna interpretación un tanto osada. En homenaje a mi estimada Suzanne Privat-Teissedre utilicé el francés y espero que los usuarios de esta lengua no sean demasiado rigurosos en su valoración. Por lo demás, el poema de Sagarra me sigue atrayendo muchísimo. No tanto por los guiños políticos o históricos sino por la descripción de la bellísima Provenza, de su paisaje y de sus cosas, de su eterna Magalí, salvaje y de rostro fino.
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« Invocation à Frédéric Mistral »
Version en français, en mémoire de Suzanne Privat-Teissedre, Roquemaure, Provence.
Sur l’asphalte bourdonne la roue bouillante,
Et il y a un vernis nacré à la plage.
La dent de nickel invente nous rythmes,
Et tout est neuf avec neuf maquillage.
Le désir avec la machine raccourcit,
Le gant acajou crevasse le maxillaire,
Et l’écume du cheval de course
Éclabousse avec diamants la piste verte.
Nous vivons avec la joie enterrée
Et nous habitons dans l’artifice de la tristesse,
Et nous sommes vendus tout à fait et chaque jour
Meurt au ciel quelque étincelle enflammée.
***
Mais notre voix défigurée
Avec cette inquiétude d’aujourd’hui fait fête,
Parce qu’il y a un maillot sur la peau fatiguée,
Un maillot frais avec le sel de la tempête actuel.
Ah, nous ne captons pas la nette mélodie,
Nous vivons sous une ombre large,
Mais nous ne renions pas du nôtre jour,
Nous ne voulons pas un autre printemps.
Nous vivons notre temps parce que c’est le nôtre,
Avec poignard ou avec voix parasitaire,
Mais nous savons que nôtre parfum du rostre
Est un parfum acide, un parfum de machinerie.
***
Sur le couleur de nôtre chemise
Nôtre paresse luit,
Nous sommes citoyens avec une folie grise,
Mais nous aimons de temps en temps la grâce
D’une branche d’olivier de cendre pure,
Ou du sang d’une cerise vive,
Ou d’une bouture résineuse de la nature
Sauvage et primitive.
Nous aimons savoir que les charrues antiques
Pénètrent dans les humidités violâtres,
Et que dans les troupeaux il y a un pleur de tontes
Qu’est aussi à l’herbe des prairies.
Nous accoutumons nôtres nerfs défiants
A contempler les paysages millénaires
Et les nids des rossignols que ne changent pas.
Et tout cela est un repos pour nos fièvres et nos délires.
***
Heureux soit qui a trouvé la parole :
Il a pureté aux entrailles,
Il peut dire d’une manière neuve
Le secret immuable des montagnes !
Heureuse soit la pensée que ne refroidit pas
Devant du vol aigu des alouettes,
Et définit éternités de soie
Au-dedans de la fragile essence des roses.
***
Et pour ça, Frédéric, aujourd’hui
Mon souvenir salue les escaliers
De ta villa et ta barbe de farine
Et ton chapeau de provençal avec les bords larges.
Et je salue aussi ta pommette de couleur de miel et de cidre,
Et les oeils que, à les nuits plus arides,
Ont un tremblement de pourpre et de vitre
Que fait luire le dos des cantharides.
Et pour cela, Frédéric, très fatigués,
Fatigués de distiller les herbes amères,
Nous aimons ton élan brun
Du dompteur de taureaux à la Camargue.
En toi les paroles sont vives,
Tu extraits chair et sang même des cendres,
Et tu as fait les olives plus brillantes
Et plus tendres les lèvres de les jeunes filles.
***
Nous connaissions la pousse que tu rêvais,
Nous savions que Magali est sauvage et qu’elle a le visage fin,
Mais avec vos mots ces choses bleues
Nous posent une larme à la pupille.
Ta volonté commence
Là où les savants finissent sa stridulation ;
Grâce à toi Provence est plus Provence
Parce que tu l’as peint avec tes lèvres.
Parce que dans le cœur deux vents t’accompagnaient,
Un vent caresse et l’autre vent effraie,
Et tu es aussi comme un dieu qui épie toute chose
Et tu as une allure de berger que seulement chante.
***
Nous cherchons les merveilles
dans ta œuvre tranquille,
Et nous trouvons l’huile et le vin, la laine et le fromage,
Tous ces dons antiques et éternels.
Nos langues et nos rostres sont différents
Mais il y a une liaison entre toi et nous, c’est vrai,
Tu n’es pas étranger,
Tu es le frère majeur de la même race.
Les ans s’écoulent, mais tu as la verdeur des peupliers,
Tu es de plus en plus vif,
Plein d’abeilles et de vers à soie
Et plein du nôtre soleil à ton visage.
Mon lèvre ne doute pas :
Notre cœur n’est pas loin!
Oh Frédéric! Archange de la Provence !
Prie au bon Dieu pour les vignes de la Catalogne.
…Version de Joan Amenós Álamo.
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